Semaine de Prière pour l'unité des chrétiens 2017

Publié le par Mapuanga terai

LA SITUATION ŒCUMÉNIQUE  EN Allemagne

 

Œuvrer ensemble dans une société en mouvement

Parmi les 81 millions d’habitants que compte aujourd’hui l’Allemagne, 50 millions sont chrétiens. La plupart d’entre eux appartiennent soit à l’Église catholique, soit à l’une des Églises régionales protestantes qui ensemble forment l’Église protestante en Allemagne (EKD). Même si les autres Églises présentes en Allemagne – Églises libres, Église orthodoxe et autres – sont, en comparaison, plus petites, toutes les principales traditions chrétiennes y sont actuellement représentées.

 

Alors que l’Allemagne était constituée de nombreux royaumes et principautés, il y a quelques siècles, elle n’en était pas moins unie en une seule Église. La Réforme, menée entre autres par Martin Luther, généra des schismes au sein du christianisme d’Occident et finit par déclencher des guerres entre forces catholiques et protestantes. La Paix d’Augsbourg (1555), qui mit temporairement fin à ces conflits, stipulait que les habitants d’un royaume ou d’une principauté devaient adhérer à la foi de leur souverain. Les personnes ayant des convictions religieuses différentes étaient contraintes à se convertir ou à partir vivre dans une autre région. Ces dispositions concernaient les luthériens et les catholiques mais ne s’appliquaient pas aux disciples de Calvin et aux anabaptistes qui firent ainsi l’objet de persécutions. La Paix d’Augsbourg dura plus de soixante ans, jusqu’au déclenchement de la Guerre de Trente ans (1618-1648). La paix fut rétablie grâce à la Paix de Westphalie qui reprenait les dispositions de la Paix d’Augsbourg en les étendant aux calvinistes. Ceci entraîna un isolement confessionnel régional de l’ensemble du peuple allemand. La diversité religieuse au sein d’un état souverain était impensable et, suite aux horreurs de la guerre, la méfiance et l’inimitié s’étaient insinuées entre les diverses dénominations. 

 

Au XIXe siècle, d’autres Églises et dénominations virent le jour en Allemagne : les baptistes et les méthodistes, de même que les Églises vieille-luthérienne, vieille- réformée et vieille-catholique. Leur apparition était souvent causée par des mouvements de protestations internes. Ces Églises comptaient donc relativement peu de fidèles et étaient pour la plupart d’entre elles peu enclines aux relations œcuméniques.  

 

Ce texte est publié sous l’entière responsabilité du groupe œcuménique spécialement constitué par le Conseil des Églises d’Allemagne (ACK) pour la rédaction du projet de textes pour la Semaine de prière pour l’unité 2017.

 

 

 

Après la Seconde Guerre mondiale, le panorama des Églises chrétiennes en Allemagne se modifia considérablement. Environ 12 millions de personnes d’origine allemande durent s’enfuir ou furent expulsées d’Europe de l’Est. Quand elles s’établirent en Allemagne, leur éventuelle appartenance à une confession particulière ne fut pas prise en compte, si bien que des protestants s’installèrent dans des quartiers catholiques et vice versa. Les deux confessions furent ainsi amenées à vivre en contact étroit. 

 

La forte demande de main d’œuvre due à la croissance économique et industrielle de l’immédiat après-guerre conduisit le gouvernement allemand et de nombreux pays de la Méditerranée à conclure des accords concernant les « travailleurs immigrés »1. Un grand nombre de personnes provenant d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Grèce, de Yougoslavie, de Turquie, du Maroc et de Tunisie vinrent ainsi s’installer en Allemagne, faisant s’accroître la diversité religieuse et confessionnelle du pays. En particulier, la présence orthodoxe augmenta très nettement en Allemagne. Au départ, il était prévu que ces immigrés retourneraient dans leur pays d’origine quelques années plus tard – d’où l’appellation de « travailleurs invités » – mais nombre d’entre eux s’installèrent définitivement, marquant de leur empreinte la vie et la culture allemandes. Les années 1980 furent caractérisées par un accroissement du nombre des immigrés de souche allemande venus d’Union soviétique, principalement orthodoxes, baptistes ou juifs. Ces dernières années, la guerre, la terreur et les tensions sociales au Moyen-Orient, en Afrique, en Afghanistan, en Ukraine et dans tant d’autres pays ont déclenché une gigantesque vague de réfugiés. Si la grande majorité d’entre eux fuient vers les régions voisines, un nombre croissant de migrants tentent de trouver refuge en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe.

 

En ex-Allemagne de l’Est, les Églises, en particulier l’Église protestante, ont joué un rôle clé dans les événements qui ont abouti à la chute du mur de Berlin (1989) et à l’effondrement du régime communiste. Ceci n’a pas empêché cependant que la foi chrétienne perde de son importance en Allemagne de l’Est. Le quotidien britannique « The Guardian » est même allé jusqu’à décrire l’Allemagne de l’Est comme « l’endroit le plus athée du monde». Le régime communiste en place n’était en aucun cas le seul responsable du manque d’intérêt envers la religion ; la foi chrétienne avait en effet déjà commencé à décliner en Allemagne de l’Est, bien avant que les communistes ne prennent le pouvoir. Il s’agit d’un athéisme non agressif, à la différence de celui qui anime ceux qu’on appelle les « nouveaux athées ». À l’inverse, ce qui le caractérise est une profonde indifférence vis-à-vis de tous les types de convictions religieuses. Lorsqu’on a demandé aux Berlinois s’ils se considéraient croyants ou non croyants, l’un d’eux a répondu :

 « Ni l’un, ni l’autre. Je suis normal ».

 

1 En allemand : « Gastarbeiter », littéralement : « travailleurs invités ».

 

Aujourd’hui vivent en Allemagne des personnes aux origines culturelles diverses et nombreuses qui ont des croyances différentes ou n’en ont aucune. Environ un tiers de la population appartient à l’une des Églises régionales protestantes réunies dans l’EKD, un autre tiers est catholique et un peu moins du tiers restant n’adhère à aucune religion. 1,7 % des habitants de l’Allemagne se déclarent chrétiens orthodoxes et 1,8 % sont membres d’une des Églises libres. Ces dernières sont pour la plupart des Églises fortement ancrées dans la Réforme, d’un point de vue historique et théologique, mais elles n’ont pas de rapports officiels avec l’État, comme c’est le cas de l’Église catholique ou de l’EKD. L’Allemagne compte enfin 4,9 % de musulmans et 0,1 % de juifs.

 

Les Églises en Allemagne n’ont toujours pas surmonté toutes leurs différences mais ont appris à travailler ensemble. Sous le régime National socialiste, des chrétiens ont collaboré avec le gouvernement. D’autres ont toutefois résisté et ont même été emprisonnés ou internés en camps de concentration. Vivre et souffrir ensemble sous la dictature nazie a rapproché les chrétiens de confessions différentes. Aujourd’hui, les Églises allemandes coopèrent bien mieux dans l’accomplissement de la mission de l’Église et le témoignage de l’Évangile en paroles et en actions. L’Église catholique et l’EKD comptant de nombreux fidèles, c’est à elles que l’on doit une grande partie de la coopération œcuménique en Allemagne.

 

Celle-ci a surtout lieu au niveau local, comme par exemple dans le cadre de la Semaine de prière de l’Alliance évangélique et de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Les paroisses et communautés locales voisines organisent fréquemment des activités œcuméniques, telles que des rencontres d’études bibliques, des discussions autour de thèmes théologiques. Elles organisent ensemble des festivals, créent des sites internet communs, rendent visite aux personnes nouvellement arrivées dans leur quartier, distribuent également des tracts dans les gares ferroviaires locales contenant des informations sur les Églises. Ce genre d’activité est souvent mené par des bénévoles des Églises locales. Dans certaines régions, des communautés et des paroisses ont instauré un véritable partenariat œcuménique local en signant un accord officiel définissant concrètement leur coopération. Ce type de document s’inspire généralement de textes de déclarations d’accord adoptés par les responsables des Églises concernées.

 

La collaboration œcuménique se développe également au niveau des responsables ecclésiastiques. Un groupe d’évêques catholiques et d’évêques protestants de l’EKD se réunit par exemple deux fois par an pour discuter de thèmes d’actualité concernant les Églises. Un autre groupe a choisi de se pencher sur des questions théologiques, comme par exemple le concept de dignité humaine. Parallèlement à ces rencontres bilatérales, d’autres réunions ont régulièrement lieu, d’une part, entre des représentants de la Conférence épiscopale orthodoxe, de l’Église catholique et des évêques protestants et, d’autre part, entre l’Association des Églises libres et l’EKD.

 

Une des caractéristiques du paysage chrétien allemand est l’organisation par chaque Église de grands rassemblements et assemblées s’adressant à ses membres. Ce sont pour les catholiques les Katholikentage et pour les protestants, les Kirchentage. Ils ont lieu tous les deux ans et sont organisés respectivement par le Comité central des catholiques allemands et par le Kirchentag protestant allemand (DEKT). Sur le principe, il s’agit de rencontres s’adressant essentiellement aux membres d’une Église mais depuis de nombreuses années, des membres d’autres Églises y prennent part ou y sont invités en tant qu’intervenants. En 2003 et 2010 se sont tenus deux Ökumenische Kirchentage, rassemblements œcuméniques conjointement organisés par l’ensemble des Églises membres du Conseil des Églises d’Allemagne. De nombreuses et importantes questions pour la société allemande ont été au centre des débats (la crise financière mondiale, les changements climatiques, les questions éthiques concernant la vie humaine, la justice, etc…) Les multiples études bibliques, discussions théologiques et célébrations œcuméniques y tiennent une place tout aussi importante. Ces rassemblements, et tout particulièrement ces Kirchentage œcuméniques, sont une excellente occasion pour les chrétiens allemands de montrer qu’ils sont non seulement actifs mais aussi qu’ils sont prêts à travailler ensemble pour engager le dialogue avec le reste de la société allemande.

Publié dans Aòraa

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